
L'artiste
Marie Gaillac est une artiste plasticienne française, née en 1998 qui vit et travaille en région parisienne. Diplômée d’un master de recherches en art contemporain à la Sorbonne en 2020, sa pratique prend progressivement forme durant l’écriture de son mémoire sous la direction d’ Elisabeth Amblard et de Sandrine Morsillo.
Eduquée dès l’enfance à la notion de trame, à l’industrie du textile et aux échantillons d’éditeurs, elle développe une véritable curiositée pour la fibre. En deuxième année de licence elle découvre l’artisanat de la gravure en taille douce. La révélation d’un dessin par l’impression de ce qui est appelé la matrice, est une technique qui l’a immédiatement séduite.
En 2019 elle réalise ses premiers ouvrages en fils auxquels elle attribue le rôle de matrices dans ce qui évolue comme une technique singulière d’impression de fibres. A partir de cette technique sont nées plusieurs pratiques qui l’inscrivent progressivement dans une véritable recherche autour de la trame, sculptée, déformée, imprimée, dessinée : la trame revêt des formes variées dont les applications sont infinies.

La trame outil
Au commencement de ma recherche sur la trame il y a l’envie de travailler cette matière fibre, d’en faire un ouvrage, un corps : dans un premier temps par la technique du nouage, puis le tissage prend le dessus, ressurgissant de mon enfance. Partir du fil pour construire un ouvrage est un travail avec le temps. La réalisation d’une trame peut prendre plusieurs jours. C’est un processus long et obsessionnel.
J’ai commencé à estamper mes ouvrages en fibres avant tout parce que je voulais trouver ce point de rencontre entre deux expressions qui s’étaient inscrites en moi : le tissage et l’estampage. C’est à ce moment que mes ouvrages de fibres se sont transformés en matrices endossant alors ce rôle d’outil, un objet dont l’unique fonction est de révéler son empreinte sur le substrat.
D’un côté il y a la fabrication longue et maîtrisée de l’ouvrage. De l’autre, il y a l’estampage, procédé rapide au cours duquel je m’autorise un réel lâché prise. Je me permets d’être surprise à chaque impression, de jouer avec ma trame quand je la pose sur le plateau de la presse Je me permets de ne pas la montrer entièrement et de cultiver une variété de rendus graphiques.
L’écriture de la fibre
Je ne travaille qu’avec des fibres naturelles : jute, chanvre, coton, laine, lin. Chaque fibre a ses propriétés. Les qualités du fil utilisé, s’il est cotonneux, constitué de plusieurs brins, toroné, tressé, la manière dont je réalise la trame sont autant de facteurs qui participent à la variation du résultat final. La laine produit un résultat duveteux très aérien et sensuel tandis que le jute est plus sec, il marque et tranche le papier plus profondément.
Considérer la fibre comme une matière vivante, mouvante, qui évolue et nous présente des réalités variées selon ses applications constitue le coeur de ma recherche. La trame est tissu qui compose tout ce qui nous entoure. La trame nous est quotidienne. Elle est un rythme, une répétition graphique, elle est tissu, vie, chemin, cellule, corps, architecture. L’impression est une forme d’analyse, une manière de mettre à nu une organisation interne, un squelette. C’est ce langage que j’ai choisi d’étudier, celui dans lequel chacune des fibres que j’utilise représente une lettre dans mon alphabet.
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Les tressages
J’aime pousser le matériau à son épuisement, chercher une manière de remettre en question ce qui vient d’être créé pour tirer le fil encore plus loin. Je recycle en permanence. Mes tressages d’estampes participent à cette démarche. L’estampe, considérée ici en tant que matière principale du dessin, est découpée puis retressée pour révéler une autre réalité du dessin.
Je me suis beaucoup ispirée du concept des Inimages de René Passeron. Les Inimages sont les images contenues, déjà présentes à l’origine dans ce qu’il nomme «l’image mère», mais qui n’étaient pas immédiatement lisibles. Le préfixe in signifie à la fois ce qui est dedans, contenu dans l’image, mais également la négation, puisqu’elle n’est pas directement visible et nécessite le travail du découpage pour la révéler. C’est une forme de relecture de l’image : la matrice fibre (objet sculpté) - l’estampe (empreinte de l’objet, mémoire) - le tissage papier (nouveau langage).
